dimanche 14 février 2010

L'indécence des chiffres

Le terrible séisme à avoir frappé Haiti le 12 janvier dernier aurait fait, selon le dernier bilan officiel, 270 000 morts, au moins le double de blessés et 1,2 million de sans-abri. Ce séisme, rappelons-le, était de 7,3 sur l'échelle de Richter. En 1989, un terrible séisme de 7,1 sur l'échelle de Richter secoue violemment San Francisco. On se souvient tous des images saisissantes de cette autoroute superposée qui s'était affaissée, tuant et emprisonnant des dizaines d'automobilistes, ce qui avait donné lieu à de beaux gestes de courage et même inspiré un film. Le bilan? 62 morts...

Qui du tremblement de terre ou des normes de construction tua le plus à Port-au-Prince? Certains suggèrent de ne pas rebâtir la ville à cet endroit, car trop dangereux d'un point de vue sismique. Pourtant Tokyo et tout le littoral de la Californie est bâti sur un risque sismique encore plus élevé, sauf que les normes de construction font toute la différence. Il faut donc aider les Haitiens à reconstruire mais en respectant des normes minimales et surtout leur montrer comment faire. Leur montrer l'importance de ne pas étirer le mélange de béton avec du sable, l'importance de l'armature de métal, même si elle ne se voit pas, etc... Tout est à rebâtir, en commençant par les mentalités et les façons de faire. Mais avec un peu de volonté et de soutien financier c'est faisable.

Parlant de soutien financier, le coût estimé de la reconstruction sur 5 ans est évalué à 10 milliards de dollars US. La somme peut paraître énorme mais c'est peu comparé aux quelques 149 milliards que les grosses financières américaines de Wall Street (je suis incapable d'utiliser le mot "grande" pour les décrire) ont octroyés en bonus à leurs dirigeants uniquement pour 2009.

Pendant ce temps à Vancouver c'est la fête. La fête du sport, de la paix et de la fraternité mondiale. C'est vraiment très beau et je l'avoue j'ai du plaisir à regarder les jeux olympiques. Sauf que cette année j'ai comme qui dirait un petit malaise qui vient de la facture de ces jeux. Comme si je mangeais dans un restaurant hors de prix et que le total appréhendé de la facture me privait en partie de mon plaisir et affectait ma délectation. Le coût total des jeux serait de 9 milliards. Pour ce montant on reconstruit en partie un pays et pouvons sortir un peuple de sa misère, mais nous préférons nous amuser. Je sais le tout était prévu et dépensé bien avant le tremblement de terre mais je crois qu'il y a au minimum une petite réflexion à faire sur le sujet. Je ne suis pourtant pas contre les jeux, mais 5 milliards pour les jeux aujourd'hui et 4 milliards pour notre prochain n'auraient pas fait le travail? Pour votre gouverne, l'aventure olympique a coûté 40 milliards à Pékin, 16 milliards à Athènes et Londres serait rendu à 19 milliards.

Revenons au Canada où nos grosses banques délient littéralement les cordons de leurs bourses pour venir en aide aux sinistrés Haitiens. Par exemple, la RBC a fait un don de 100 000$. Montant des bonus versés aux dirigeants de la RBC uniquement pour 2009 selon le Globe and Mail? 3.56 milliards. Leur don équivaut donc à 0.0028% du bonus annuel. Mettront-ils ce montant dans leur rapport d'impôt à la ligne don de charité d'après vous? Ou à moins que ce soit à la ligne publicité puisque le jour de l'annonce en question toutes les grandes chaînes en ont parlées aux bulletins de nouvelles comme si ils étaient de grands philantropes.

Parfois je trouve les chiffres très indécents. Ils se dévoilent sans dentelle ni ponpon pour qui sait compter sans s'en faire raconter.


mercredi 3 février 2010

Les deux solitudes... environnementales.

Les analystes politiques sont - ou étaient - tous d'accord pour dire que le ministre de l'environnement du gouvernement Harper, Jim Prentice, est un des plus solides ministres actuellement en poste à Ottawa. Fort de cette nouvelle assurance, il s'est lancé dans une attaque en règle du gouvernement Québécois dans sa décision d'imposer les normes Californiennes au parc automobile, qualifiant cette décision de folie. Il est vrai qu'il était de passage à Calgary, château-fort conservateur où la réduction des gaz à effet de serre est une préoccupation quotidienne...

Il est quand même ironique de voir un ministre de l'environnement fédéral reprocher à une province d'en faire trop pour l'environnement. À moins que ses intérêts premiers ne soient plutôt ceux du gouvernement conservateur, c'est-à-dire le développement des sables bitumineux et la relance à tout prix du secteur automobile nord-américain. Son devoir de réserve que lui impose sa condition de ministre de l'environnement aurait dû au minimum lui inspirer le silence. Mais les choses étant ce qu'elles sont, c'est-à-dire la pauvreté ministérielle chronique de ce gouvernement, Stephen Harper a visiblement choisi Prentice pour donner la réplique à la gifle reçue de Jean Charest à Copenhague. Comme quoi les deux solitudes se creusent et ne sont pas prêtes de se comprendre.