La première est sans contredit Patrick Limoges, qui s'est pris une belle perdue uniquement parce qu'il était au mauvais endroit au mauvais moment. Il n'avait rien à voir avec tout cela. Mes sympathies à la famille, dans l'espoir que sa mort ne sera pas vaine.
La seconde victime est le suspect visé, Mario Hamel, itinérant aux prises avec de sérieux problèmes de santé mentale. Bien sûr il menaçait les passants et les policiers, mais sans juger de l'intervention policière, il ne méritait sûrement pas de finir criblé de balles et d'entraîner avec lui un innocent.
La troisième victime nous ignorons toujours son nom mais elle mérite quand même notre empathie, et il s'agit du policier qui a fait feu. Imaginez-vous un seul instant chausser ses souliers ce matin, pour faire face à cette tragédie sans commune mesure. Retenons-nous de lui lancer la première pierre. Les policiers, en particulier ceux de Montréal, sont aux prises tous les jours avec de nombreux cas lourds d'individus lourdement atteints que l'on a tout bonnement relâchés dans la nature munie d'une simple prescription.
Peut-être le policier a-t-il manqué de jugement, peut-être ce drame aurait-il pu être évité, mais au départ la responsabilité en incombe à notre système de santé qui depuis plus d'une décennie procède à une désinstitutionalisation des cas qu'elle considère les moins lourds en refilant le problème aux travailleurs de rue, aux maisons d'hébergement et aux policiers, moins bien outillés pour leur faire face.
À Montréal on estime le nombre d'itinérants à plus de 30 000. De ce nombre, combien sont aux prises avec des problèmes de santé mentale? Combien sont des bombes à retardement sur le point d'agresser un passant ou de mettre le feu? Le temps est venu de procéder à un profond examen de conscience et de réaliser qu'en tentant de les intégrer à la société, nous avons rendus leur autonomie à certains, et nous en avons abandonnés beaucoup d'autres. Alors, responsable le policier qui a fait feu? Absolument car c'est nous qui lui avons refilé une responsabilité qu'il n'aurait jamais dû avoir et qui risque de ruiner sa vie et sa propre santé mentale. Coupable? Non, car Mario Hamel n'aurait jamais dû se trouver en pleine rue dans cet état mais plutôt pris en charge dans une institution sérieuse par une société responsable.
Il y a quelques temps, Jean Charest affirmait que le Québec était actuellement «parmi ce que l'humanité a de mieux à offrir». Prouvons-le maintenant et occupons-nous des plus démunis d'entre nous.