vendredi 29 avril 2011

Au-delà du clivage gauche-droite

Le moins que l'on puisse dire de cette campagne électorale c'est qu'elle est tout sauf ce qu'on s'y attendait. Triste, moribonde, sans intérêt, on s'attendait à tout sauf à une telle lutte serrée. Comme quoi avant de s'empresser de partir en campagne électorale certains chefs auraient dû y réfléchir à deux fois, à commencer par Duceppe et Ignatieff.

On entend beaucoup parler du clivage gauche-droite, de la remontée de la sociale-démocratie avec le NPD, de la forte concentration du vote de gauche; quand on additionne les appuis aux quatre partis dits de gauche qui se font la lutte au Québec on obtient près de 85% selon le sondage Angus Reid - La Presse publié mercredi. (j'y inclus le 2% des verts) Mais au-delà des convictions, je crois qu'il y a également d'autres facteurs qui expliquent la popularité de ces partis et qui vont parfois au-delà de l'idéologie première dudit parti.

Avec le Bloc, l'idée maîtresse c'est la souveraineté et la défense des intérêts du Québec. Ils ont beau être de gauche, l'impossibilité d'exercice du pouvoir relativise ce facteur. Et honnêtement, bon nombre de québécois ont votés pour le bloc non par conviction mais uniquement pour protester contre le gouvernement en place, libéral ou conservateur, et leur ficher des troubles-fêtes dans les pattes. Le Bloc a-t-il fait son temps à Ottawa? C'est ce que croit de plus en plus de Québécois, à commencer par des souverainistes.

Quant aux libéraux, l'usure du pouvoir et l'odeur de scandale qui a longtemps plané sur ce parti se fait encore sentir, sans compter sur les dommages de l'ère Dion qui ne faisait pas trop sérieux, et sur celle d'Ignatieff qui au contraire fait beaucoup trop sérieux. Néophyte débarqué d'Harvard en sauveur, il a sûrement les compétences pour faire un PM potable, voire mieux qu'Harper, mais il ne passe pas du tout.

Du côté des conservateurs, seul parti de droite de l'échiquier politique canadien, il passe de moins en moins et même à Québec, château-fort conservateur s'il en est un au Québec, ses appuis fondent comme neige au soleil d'avril et les candidats trépignent en sueur en attendant le 2 mai, chaque jour qui passe effritant les intentions de vote à son égard. Parions que le musellement de la presse, l'outrage au parlement et l'omniprésence, quasiment de l'omnipotence, d'un Dimitri Soudas arrogant et prétentieux, ne sont pas étrangers à ces insuccès.

Aujourd'hui, c'est, je crois, par candeur plus qu'autre chose qu'une large proportion de l'électorat québécois s'apprête à voter pour Jack Layton et son NPD. Leur fraîcheur, leur naïveté et leur "virginité politique", associés à leurs valeurs dites de gauche qui traditionnellement rejoignent davantage les québécois, nous séduisent. Cela risque cependant de provoquer bien des surprises en portant au pouvoir des candidats plus ou moins intéressés parachutés sur un bulletin de vote régional.

Alors quels choix nous restent-ils? Le cynisme ou la candeur. Longtemps notre cynisme a dicté nos choix et notre conduite politique en tant que citoyen et nous avons eu les politiciens que nous méritions. Trop souvent nous avons voté par dépit, faute de mieux. Tout compte fait, la candeur est préférable au cynisme. Et si c'était notre cynisme qui avait engendré cet engouement pour Jack Layton? Je terminerai avec une vieille citation de Coluche, à mon avis très à propos en cette fin de campagne: " Les politiciens c'est comme les couches pour bébés. Il faut les changer souvent, et pour les mêmes raisons."