mercredi 8 février 2012

Les amours usés

Parfois toute la force et la grandeur de la vie se révèle à nous au moment où l'on s'y attend le moins, et surtout de la manière qu'on s'y attend le moins. Jadis naguère, j'étais reçu à souper dans une famille que je n'avais, à l'époque, plus l'occasion de fréquenter régulièrement comme c'était le cas quelques années auparavant. Évidemment je connaissais tous ses membres dont le grand-père et la grand-mère, que nous avions l'habitude d'aller chercher, le dimanche, pour qu'ils passent la journée avec nous. Je m'inclus ici dans cette famille puisque j'y étais presque tout le temps à cette époque.

Quelques années s'étaient écoulées avant cette journée de retrouvailles, et malheureusement la grand-mère nous avait quitté entre-temps. Ne restait que le grand-père, que mon ami et moi avons été cherché tout naturellement, comme une vieille habitude qui n'attend qu'un signe pour reprendre vie. C'était la première fois que je revoyais cet homme depuis le départ de sa vieille, comme il se plaisait à l'appeler.

Le poids des années avait fait son oeuvre. Je retrouvai un homme diminué, chancelant, au discours ardu, souvenir d'un violent avc. Néanmoins, son sourire communicateur et son réel plaisir de nous voir parlait pour lui d'une voix sincère. Après ce chaleureux accueil, il s'en est allé, d'un pas lent mais empressé, prendre ses affaires, nous laissant près de la porte. C'était une modeste maison, qui visiblement avait connu des jours meilleurs. Néanmoins, ils y avaient vécu toute leur vie ou presque, en y élevant leur huit enfants et le triple de petits-enfants. Je ne l'aurais pas vu vivre ailleurs, ça l'aurait tué.

C'est alors que je remarquai sur le mur de la cuisine une photo grand format de la grand-mère, encadré telle une toile de valeur. Sauf que le cadre semblait abîmé juste en-dessous de la photo. Je demandai à mon ami, son petit-fils, le pourquoi du cadre brisé. Les sentiments qui m'envahirent, à sa réponse, me submergèrent telle une grosse vague que l'on n'a pas vu venir.

Le cadre n'était nullement brisé, il était usé par les marques de tendresse. Chaque fois qu'il passait devant il l'embrassait, en lui chuchotant un petit mot. Tellement qu'en quelques mois à peine, le cadre en était profondément usé. Il ne manqua pas à son habitude malgré notre présence, et juste avant de partir, il fit un petit détour pour l'embrasser une fois de plus.

Ce fut l'une des plus belles choses qu'il m'ait été donné de voir de toute ma vie. Et c'est un homme simple, un vieillard au coeur immense, qui me l'a donné. Merci Marcel.

mercredi 1 février 2012

Un commentaire qui n'était pas le "Boisvenu"

Dire l'impensable. Voilà ce qu'a fait le sénateur Boisvenu. Au Canada il est interdit par la loi d'encourager quiconque à se donner la mort. Alors imaginez lui fournir une corde, le message est alors on ne peut plus clair.

Pour mesurer l'ampleur de cette déclaration et surtout de la philosophie sous-jacente, il faut connaître l'importance et le rôle que joue ce non-élu au sein du gouvernement conservateur. Depuis sa nomination en 2010, il est devenu un porte-parole important du gouvernement dans sa défense des réformes judiciaires controversées. On peut désormais s'inquiéter de voir la question de la peine de mort resurgir dans l'agenda politique fédéral.

Cela dit si il m'arrivait la même chose qu'au sénateur Boisvenu, soit perdre un enfant aux mains d'un meurtrier, il est clair voire légitime de ressentir l'irrésistible envie de se venger. Pour ceux qui ne l'ont pas vu, louez Les sept jours du Talion avec Claude Legault, son personnage explore les profondeurs de la vengeance et de la colère dans un jeu terrifiant.

Mais notre société et ses gouvernements doivent se placer bien au-dessus de la vengeance et du ressentiment, qui ne sont pas reconnues pour être de très bonnes conseillères. Et jusqu'à maintenant, sur cette question, ça fonctionnait plutôt bien.

Cela dit, je crois que nous sommes mûrs pour pousser un peu plus loin notre réflexion à propos du traitement de ces criminels endurcis. Je parle de ceux déclarés criminels dangereux et qui jamais ne goûterons de nouveau à la liberté, même dans 25 ans. Ces hommes et parfois ces femmes dont les crimes dépassent l'entendement. Nous pourrions songer offrir, à ceux qui le souhaiteraient, un accompagnement et un soutien vers un suicide assisté. Non pas dans une optique de vengeance sociétale, mais plutôt dans une démarche visant à traduire notre empathie envers une personne souffrante dont la vie est dans une impasse. Hélas nous commençons à peine à l'envisager dans des cas de gens malades chroniques et condamnés à d'immenses souffrances. La vie est un bien précieux et sacré jusqu'au moment où tout espoir s'évanouit. Dès ce jour nous devrions pouvoir jouir de l'ultime liberté que nous interdit pourtant un pays que l'on dit libre, et de recevoir un minimum de soutien de sa part en ce sens, y compris derrière les barreaux.