jeudi 26 avril 2012

Cours de désobéissance 101


Je sais que les étudiants faisant la grève refusent catégoriquement de suivre le moindre cours, mais je me risque quand même une petite suggestion. Je suis d'ailleurs surpris que les étudiants en histoire n'ont pas pris cette initiative car je ne peux concevoir qu'ils ne sont pas au fait de cet exceptionnel document que je m'apprête à suggérer et qu'ils doivent sans doute connaître, sinon leur programme a une lacune et une grosse.

Pour les besoins de leur cause nous pourrions l'intituler Cours de désobéissance civile 101. Qu'ils se rassurent, nul besoin de manuels ni de longues heures d'études, mais uniquement d'une télé, d'un lecteur DVD, d'un peu plus de trois heures de temps libre et d'un gros sac de pop-corn (facultatif). Le document nécessaire s'intitule simplement Gandhi, et est un chef-d'oeuvre cinématographique de 1982 s'étant mérité pas moins de huit oscars, dont celui du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur acteur. Je sais que la plupart des étudiants en grève n'étaient pas de ce monde en 1982 mais ils apprendraient énormément d'un tel document.

Dernière suggestion que j'aimerais faire au mouvement étudiant c'est d'organiser une manifestation ouvertement pacifique et non-violente dans la ville de Québec, conduisant aux pieds du monument à l'effigie du Mahatma Gandhi. Ce monument, cadeau du gouvernement indien, a été installé en 2006 sur la place de l'Assemblée-Nationale, près de l'intersection de la Grande-Allée Est et de l'avenue Honoré-Mercier, au pied de la porte Saint-Louis. On pourrait même affubler son buste d'un carré rouge et profiter de l'occasion pour adopter cette vieille philosophie de non-violence. Je rêve en couleurs (sauf rouge), mais je crois qu'un changement d'attitude radicale s'impose et est possible. Même qu'il pourrait marquer un tournant dans l'attitude des associations étudiantes et par le fait même dans l'opinion publique, de moins en moins favorable et fière de sa jeunesse.

mercredi 11 avril 2012

L'omniprésente intimidation‏

Nous avons pleuré à la mort de la jeune Marjorie Raymond, victime d'intimidation à sa polyvalente. Nous avons salué le courage de la jeune Émanuelle Després, étudiante aux estacades, dont l'action a mené à une grande marche contre l'intimidation et à une pétition portée à l'Assemblée nationale par une députée de la région. Nous nous sentons tous interpellés par l'intimidation à l'école et avons tous salué les mesures annoncées par le gouvernement et les commissions scolaires pour s'attaquer à ce fléau. Mais en tant que société nous sommes d'une hypocrisie sans bornes.

D'aussi loin que je me souvienne, le principal vecteur de changement dans la société québécoise c'est justement l'intimidation. Partout, à tous les niveaux. Tantôt ce sont les syndicats, tantôt le patronat. Une autre fois c'est le gouvernement, ou encore les fédérations étudiantes. À Oka les Mohawks ont déclenchés la Crise d'Oka pour se faire entendre. En 1998 les producteurs de porc ont carrément bloqués l'autoroute 20 durant des heures. Il y a quelques mois, au port de Trois-Rivières, des grévistes ont coupés l'alimentation en air de scaphandriers pour leur faire comprendre qu'il était préférable pour leur santé de débrayer. Les exemples pleuvent dans l'histoire moderne du Québec.

Aujourd'hui c'est au tour des étudiants de "défier" le gouvernement et la société presque tout entière puisque majoritairement opposée à ce mouvement. Et de la façon qu'ils s'y prennent c'est carrément de l'intimidation. Car la différence entre les verbes défier et intimider, dans un tel contexte, relève du rapport de force. Le grand boutonneux de 15 ans qui "défie" un jeune de 12 ans de le rejoindre dans le stationnement après l'école, lui se sent probablement plus "intimidé" qu'autre chose.

Malheureusement l'usage de l'intimidation par un groupe peut parfois nous sembler justifié. Mais la ligne est très mince et fluctue au gré de l'opinion publique. Au final, dans un état de droit démocratique, comme le nôtre, les protestations et les manifestations même les plus légitimes devraient se traduire par un engagement politique citoyen plus poussé. Ainsi au lieu de réagir, nous pourrions agir et prévenir, par des décisions sensées prises au bon moment, de tels débordements. Après tout une démocratie c'est fait pour ça et c'est pourquoi je dis aux étudiants et revendicateurs de tout acabit, accaparez-vous du pouvoir par les voies en place, imparfaites peut-être mais enviées de bien des peuples à travers le monde, et soyez ce changement que vous désirez tant.

Alors là seulement nous serons en mesure d'affirmer honnêtement aux jeunes dans nos écoles que l'intimidation, c'est pas un bon moyen pour arriver à vos fins. Mais aujourd'hui c'est leur mentir en pleine face que d'affirmer une telle chose, et de ce fait nous semons les graines de leur cynisme futur.